Robert Muffat-Joly pionnier des accompagnateurs

26.07.2019
Alexia Burille

Alors que la saison de randonnée bat son plein, nous vous proposons - à l’occasion des 40 ans de la création du diplôme d’accompagnateur de montagne, le portrait d’un des pionniers, le Pralin Robert Muffat-Joly, article paru initialement ce printemps dans notre magazine communal Pralin(e)s.

Les années 1970 marquent un bouleversement dans l'approche de la pratique sportive. L'heure est à la professionnalisation. C'est, en tout cas, l'objectif affiché du Secrétaire d'État à la Jeunesse et au Sport, Pierre Mazeaud. Beaucoup de brevets d'Etat (BE) naissent à cette époque, dont celui d'Accompagnateur en moyenne montagne.

Jusqu'alors, le métier existe, mais sans cadre juridique précis, alors que les guides de haute montagne ont leur diplôme d'Etat depuis 1947.

« Mais il y avait déjà des précurseurs, et même une association, l'UNAM (Union Nationale des Accompagnateurs en Montagne),  qui contribuera beaucoup à fixer le cadre du diplôme » précise Robert.
Lui n'en fait pas partie. Et pour cause : s'il adore la montagne, il ne la pratique pas de façon professionnelle. Il est menuisier et réserve donc cordes, crampons et chaussures de randonnée à ses sorties du week-end. Il est alors un membre très actif du Club Alpin Français de Sallanches.

Lorsque Robert apprend qu'il va y avoir un BE d'accompagnateur, il décide de tenter l'aventure. Il va ainsi le passer en 1978, alors qu'il a 52 ans. Il est le doyen de l'épreuve. « Même les examinateurs étaient plus jeunes que moi ! » dit Robert d'un ton amusé.

« J'étais motivé car j'aimais l'esprit de groupe et le plaisir de partager avec les autres, ce qui faisait l'essence de la vie de club. Et puis c'était l'opportunité d'avoir une deuxième activité en plus de celle d'artisan, d'adapter mon rythme de travail aux saisons. J'avais une bonne condition physique car, au CAF, nous avions une approche très sportive dans nos sorties. Mais il a tout de même fallu s'entraîner car l'épreuve de marche était difficile. Surtout, j'ai dû me plonger dans les bouquins pour apprendre les bases, à savoir la faune, la flore, la géologie, l'agriculture et tout ce qui fait le milieu montagnard.  Mais, finalement, je n'ai pas eu beaucoup de chance car, à l'examen oral, je suis tombé sur des questions liées à la colonne vertébrale. J'ai trouvé ça un peu rude ! »

Cela ne l'empêchera pas de décrocher le diplôme de la première promotion.

Il fidélise rapidement sa clientèle. « Ma force, c'était de toujours partir, même si je n'avais qu'une ou deux personnes. » Il travaille ainsi de plus en plus, notamment grâce à un centre de vacances à Saint Nicolas de Véroce, puis avec l'office de tourisme de Praz-sur-Arly, avec qui il lance les goûters à la ferme. « Nous partions faire le tour des crêtes par Bon Journal et la Croix de la Riollon avant d'arriver à la ferme des Arvin-Bérod, aux Boeux. »

Robert va aussi être un pionnier de la randonnée en raquettes, dès 1979. « J'ai commencé avec mes raquettes en frêne, des «  hiverna  » qui étaient tout de même déjà tendues avec des sangles. »

Mais, à l'époque, le BE ne prévoit pas l'activité hivernale. Il faudra attendre 15 ans pour que la situation soit clarifiée et s'officialise via un cursus « neige et avalanche ». Robert fait partie de ceux qui auront milité activement pour cette reconnaissance. Il sera ainsi à l'origine du mémoire « J'ai repris les raquettes de mon grand-père  », rappelant que la raquette était déjà un moyen de locomotion des autochtones. Il démontre aussi combien c'est un fabuleux outil de découverte de la montagne.
Que de gens émerveillés grâce à ces raquettes.

« Je n'oublierai jamais, par exemple, un enfant de classe de neige qui était silencieux dans le groupe, l'air mélancolique. Et, au moment d'une pause, il se met soudain à parler pour dire tout simplement « c'est beau, mais que c'est beau. On croirait un monde fantastique ». Ça m'a marqué. C'est cela qui fait que j'étais content de faire ce métier, cela donnait du sens. »

Une carrière effectivement riche de sens, où Robert a vu de magnifiques choses, fait de belles rencontres et engrangé les souvenirs grâce à une clientèle avide de connaissances. « L'accompagnateur ne se limite pas à guider  les randonneurs. Il est un passeur entre les visiteurs et le territoire qu'ils découvrent. Il doit leur enseigner ce qui fait la montagne. »

Très impliqué, Robert Muffat-Joly a été le deuxième président de l'association des accompagnateurs de Haute-Savoie, de 1981 à 1986.
Et il a exercé son métier  jusqu'à l'âge de 77 ans !

Aujourd'hui, il reste l'une des grandes figures de la profession, mais aussi un sacré Monsieur pour tous les Pralins. Ils savent que, derrière ses allures bourrues et son visage de Savoyard, creusé par le temps et les expéditions, se trouve un homme d'une grande gentillesse, véritable puits de science, qui sait raconter la montagne comme personne d'autre.